Dans le cadre de sa lutte contre les violences faites aux femmes et filles, la Solidarite Fanm Ayisyèn – SOFA a réalisé une journée de réflexion autour du thème « la prise en charge juridico-légale des survivantes de violences en période de crise » à l’hôtel Karibe le jeudi 16 septembre 2021. En considérant la situation socio-politique du pays, les survivantes de violences rencontrent plus difficultés à trouver justice face à leurs agresseurs. C’est en ce sens que la SOFA a jugé important et nécessaire d’analyser ce problème en fond et en large, notamment, avec les acteurs et actrices du processus juridique afin d’accélérer ce dernier.
Durant cette journée de réflexion, il eut trois (3) intervenantes. En premier lieu, la coordonnatrice générale de la SOFA, Sabine Lamour qui a cadré son intervention sur « le Féminicide ». Le concept de Féminicide est apparu dans les 90 notamment avec le drame de la Ciudad Juarez[1] où plusieurs cadavres de femmes ont été retrouvés. Il traduit une violence systémique contre la femme en raison du fait que c’est un acte criminel perpétré sur une femme ou une fille en raison de son sexe. On a tendance à réduire ce phénomène seulement entre deux conjoints cependant la coordinatrice précise que cela englobe beaucoup plus. Ainsi, au cours des dictatures, on a recensé plusieurs cas de Féminicide tel que le drame des trois sœurs Mirabel torturées et tuées par Trujillo.
Les victimes de violences basées sur le genre sont 25% à être dans la tranche de 15 à 49 ans[2]. Et sont généralement des élèves, des étudiantes et des professionnelles. La première raison évoquée lors des cas de féminicide c’est la question de la jalousie. Ensuite, les querelles sur les tâches domestiques et les questions d’ordre politique. Et ce cas de figure est également valable pour Haïti et les survivantes de violences n’ont pas accès à la justice.
En second lieu, Me Lahomy Aubourg a intervenu sur l’ensemble des difficultés de l’appareil judiciaire à répondre aux attentes des survivantes de violences. En dehors de la lenteur du processus et la perception sociale sur l’action en justice contre une personne, il existe des facteurs externes et internes qui ralentissent considérablement le processus juridico-légal surtout en période de crise.
Me Aubourg aborde la situation socio-politique du pays qui englobe les différentes revendications sociales de divers secteurs de la vie nationale, l’insécurité qui bat son plein et bien sûr la pandémie du COVID 19. Tout cela perturbe le processus juridique dans la mesure où les personnes concernées ne sont pas toujours disponibles. Et d’ordre interne, elle évoque la désorganisation du parquet, l’irrégularité des suivis pour les dossiers, le non renouvellement des mandats des juges et surtout le désintéressement des autorités judicaires par rapport aux dossiers des violences basées sur le genre.
Et ce désintéressement s’explique notamment par le fait que ce n’est pas une priorité dans le traitement des dossiers. Mais également par l’attitude des professionnels judiciaires qui pénalisent sans aucune gêne font une deuxième violence sur les survivantes en les rendant responsables des actes de leurs agresseurs. Dès l’accueil, il y a des regards réprobateurs à l’endroit des survivantes et certaines fois des interrogatoires corsées pour ces dernières. En ce sens, voit la nécessité d’une prise de conscience généralisée et profonde dans ce secteur qui joue un rôle si déterminant.
En troisième lieu, le subtitut-commisssaire du gouvernement Me Néhémie Jean-Baptiste qui a également abordé les différents obstacles rencontrés lors du traitement des dossiers sur les violences faites aux femmes et aux filles. Toutefois, son intervention s’est axée plus précisément sur l’inexistence de texte de loi dédié à ces dossiers. Et que sans aucun cadre légal, cela s’avère beaucoup plus difficile dans la mesure où il faut piocher dans des textes qui abordent des cas plus ou moins similaires. En dépit de cela, Me Jean-Baptiste estime que l’ l’État haïtien fait le mieux qu’il peut en mettant des cellules travaillant sur les violences basées sur le genre dans le parquet mais également des centres d’accompagnement pour les survivantes de violences.
Au cours des différents échanges qui ont lieu, plusieurs points ont été éclaircis et d’autre sortis de l’ombre dans la cadre de cette journée de réflexion. On a abordé la question du délai de flagrance, comment et pourquoi les mandats sont émis dans le cadre de des dossiers VBG. C’est ainsi qu’à travers ces échanges et ateliers, ont découlé de nombreuses propositions par rapport aux nombreuses difficultés liées aux dossiers des survivantes de violences. Et grâce aux propositions et recommandations recueillies, la SOFA entend construire un cahier de charge afin de le porter par-devant les autorités concernées.
[1]Entre 1993 et 2013, plus de 2000 femmes et filles ont été tuées dans la ville de JUAREZ, dans le nord du Mexique. Ces meurtres sont liés notamment à la violence des gangs. Ces femmes et filles sont violées, torturées et tuées.
[2] Enquête EMMUS VI