« L’ACCAPAREMENT DES TERRES EN HAÏTI VIOLE LES DROITS DES FEMMES ET AGGRAVE LA CRISE CLIMATIQUE» DECLARATION DE LA SOFA ET DE LA GJC, DEUX GROUPES DE DÉFENSE DES DROITS HUMAINS.

La Solidarite Fanm Ayisyèn-SOFA et la Global Justice Clinic (GJC) de l’Université de New-York (NYU) soumettent à la Rapporteuse spéciale des Nations-Unies sur la violence à l’égard des femmes, Mme Reem Alsalem, une note montrant comment l’accaparement des terres à Savane Diane dans la commune de Saint Michel constitue une violation flagrante des droits des femmes.

Dans cette note soumise à la fin de mars 2022 à la Rapporteuse spéciale des Nations-Unies sur la violence à l’égard des femmes, la SOFA et la GJC déclarent que le violent accaparement de terres a provoqué le déplacement d’agricultrices à Savane Diane. Ce qui  représente une violation  flagrante des droits des femmes et accentue la vulnérabilité climatique. L’accaparement des terres à Savane Diane, qui a entraîné l’expropriation de terres utilisées par SOFA pour l’expérimentation de techniques agricoles écologiquement durables enseignées aux femmes, n’est qu’un exemple parmi tant d’autres au cours des dernières années. Or, tandis que les saisies de terres en Haïti sont en augmentation, le système judiciaire haïtien est en lambeaux.

« Nous sollicitons l’attention de la rapporteuse spéciale parce que nous n’avons pas pu obtenir justice en Haïti », a déclaré Sharma Aurélien, Directrice Exécutive de SOFA. « Ces terres ont contribué au processus de lutte contre la féminisation de la pauvreté dans lequel s’engage la SOFA. Car, elles favorisent l’augmentation de la production et réduisent la vulnérabilité des habitant.e.s  et l’ensemble de la société aux risques d’insécurité alimentaire « , a-t-elle poursuivi.

En mai 2020, des hommes armés, accompagnés du CASEC principal de l’Attalaye (8e section de la commune de Saint-Michel de l’Attalaye) et d’un représentant de Stevia Agro Industries S.A, ont violemment forcé les membres de la SOFA à quitter les terres que le gouvernement haïtien, à travers le Ministère de l’agriculture, des ressources naturelles et du développement rural (MARNDR), leur avait accordé le plein droit d’exploitation. Ils ont sévèrement frappé certaines membres de la SOFA. Les représentants de cette entreprise revendiquaient le titre de propriété de toute la zone, et déclaraient que l’Etat n’avait nullement le droit d’attribuer les terres à la SOFA. Le nouveau titulaire de ce même ministère, a révoqué provisoirement les droits de la SOFA sur le terrain, en dehors de toute procédure judiciaire et légale ; et en début de 2021, le défunt président Jovenel Moïse a enfoncé le clou avec un arrêté présidentiel inconstitutionnel qui convertit toutes les vastes terres de Savane Diane en zone franche agro-industrielle pour l’exploitation de la Stevia.

« L’ex Ministre de l’Agriculture, Monsieur Patrix Sevère, s’est érigé en juge, prenant parti pour Stevia Industrie en lui permettant de poursuivre ses activités alors que la SOFA avait reçu l’ordre de suspendre les siennes », a déclaré Marie Frantz Joachim, membre de la Coordination Nationale de la SOFA.

La note soumise par les deux institutions souligne l’aggravation des violations des droits causées par l’accaparement des terres. En effet, cet acte participe du processus de paupérisation paysanne et de l’aggravation de l’insécurité alimentaire dans la région. De plus, les femmes qui ont cherché à travailler avec Stevia Industrie ont été l’objet d’exploitation sexuelle et de leur force de travail. L’accaparement viole également le droit à l’accès à l’eau des résident.e.s de la commune de Saint Michel de l’Attalaye dans un contexte de crise climatique croissante : les terres saisies comprennent trois réservoirs d’eau protégés par l’État.

« Nous avons perdu nos réserves d’eau, car elles appartiennent désormais à l’entreprise agro-industrielle. Pendant ce temps, nous faisons face actuellement, à Saint Michel de l’Attalaye, à une crise majeure de l’eau », a déclaré Esther Jolissaint, une membre de la SOFA vivant dans la commune Saint-Michel de l’Attalaye, non loin de Savane Diane.

Les deux institutions ont établi une interconnexion entre ces trois phénomènes : changement climatique, accaparement des terres et violence à l’égard des femmes. Haïti est souvent cité comme l’un des cinq (5) pays les plus touchés par la crise climatique. L’accaparement des terres pour des projets à vocation agro-industrielle peut à la fois résulter de la vulnérabilité climatique et contribuer aussi à l’augmentation de celle-ci, car des terres agricoles de plus en plus rares, sont converties en de vastes champs de monocultures qui exigent l’utilisation des pesticides chimiques et dégradent l’environnement. Ces cultures, en général, exigent aussi l’utilisation d’équipements agricoles sophistiqués qui, bien souvent, dès leurs premières années d’utilisation, tombent en défectuosité et se trouvent empiler dans les hangars du MARNDR. Ces éléments peuvent paraître secondaires, mais ce sont des aléas qui sont défavorables à l’exploitation agricole des terres ; et les femmes sont particulièrement vulnérables face à ces genres de situation.

 » Les droits fonciers des femmes rurales et leur accès aux ressources agricoles sont essentiels pour garantir leurs droits humains et soutenir la résilience climatique « , a déclaré Sienna Merope-Synge, codirectrice de l’Initiative pour la justice climatique dans les Caraïbes de la GJC. « L’accaparement des terres accordées aux femmes devrait être reconnu comme une forme de violence sexiste », a-t-elle poursuivi.

Cette note conjointe met l’accent sur l’appel de la SOFA pour l’obtention de réparations et de restitutions pour les femmes affectées par l’accaparement des terres. Elle souligne en outre l’appel de la SOFA et des mouvements sociaux haïtiens à une plus grande protection des droits fonciers des paysans et paysannes, alors que la plupart des communautés rurales d’Haïti s’alarment devant une recrudescence des accaparements de terres. Les deux institutions estiment qu’une plus grande attention et une condamnation internationale sont nécessaires.  « Nous appelons à la solidarité des autres acteurs engagés dans la lutte internationale pour le respect des droits humains, notamment les droits des femmes », a conclu Sharma Aurélien.

Pour plus d’informations, veuillez contacter

Sienna Merope-Synge (anglais, français, kreyòl), NYU Global Justice Clinic, sienna.merope@nyu.edu ; (917) 864-6901

Ellie Happel (anglais, kreyòl, espagnol), NYU Global Justice Clinic, ellie.happel@nyu.edu ; (206) 816-0544

Sharma Aurelien (français, kreyòl), Solidarite Fanm Ayisyèn-SOFA, aureliensharma@gmail.com ; +509-3635-6046 / 4730-8333

À propos de la Clinique de justice globale :

La Global Justice Clinic (GJC) de New York University School of Law travaille avec des mouvements sociaux et des partenaires communautaires pour prévenir, contester et réparer les violations des droits humains découlant des structures contemporaines de l’injustice mondiale. La GJC travaille sur les questions de droits humains en Haïti depuis sa création.

À propos de SOFA :

La Solidarite Fanm Ayisyèn (Solidarité des femmes haïtiennes) – SOFA est une organisation féministe haïtienne qui compte environ 10 000 membres dans tout le pays, dont 80 % sont des paysannes.  Depuis trente-six ans, la SOFA aborde les questions de violence sexiste, de participation des femmes aux instances décisionnelles, de santé et d’autonomisation des femmes, ainsi que les questions environnementales dans une perspective d’égalité, de protection et de respect des droits des femmes.

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